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ENSILAGE DE MAÏS : À SERVIR AVEC OU SANS CONSERVATEUR ?

Dans la pratique, la rapidité des chantiers ne permet pas un tassement suffisant. Si la couverture est parfaite, le conservateur peut aider à la stabilité de l'ensilage après l'ouverture.© CHRISTIAN WATIER

Le maïs est un fourrage qui s'ensile très bien sans additif, à condition de respecter les règles d'or de l'anaérobie. À défaut, fermentations nuisibles et moisissures sont possibles, notamment après l'ouverture du silo en condition aérobie.

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FAUT-IL UTILISER UN CONSERVATEUR POUR L'ENSILAGE DE MAÏS ? La réponse des techniciens et des instituts français est unanime : « Non ! Le maïs est une plante qui s'ensile remarquablement bien grâce à son taux de sucre élevé et son faible pouvoir tampon. » L'argument semble imparable. Il n'en reste pas moins que certains éleveurs connaissent des problèmes de moisissures et de reprise en fermentation après l'ouverture du silo. D'autre part, la recherche française semble avoir mis de côté la question des conservateurs, laissant le champ libre aux messages commerciaux.

L'EXEMPLE BAVAROIS

Une enquête sur la présence de moisissures dans les ensilages a été conduite dans une cinquantaine de fermes bavaroises. Elle a été réalisée chez des éleveurs reconnus pour bien maîtriser la technique de l'ensilage : des silos couloirs souvent plus étroits qu'en France, une couverture parfaite avec une bâche fine de 40 microns sous une bâche de couverture de 200 microns, des silosacs et des filets de protection. La densité, donc le tassement des silos, était aussi d'un bon niveau : 220 kg MS/m3L'EXEMPLE BAVAROIS en haut du silo, 260 kg MS/m3L'EXEMPLE BAVAROIS en bas. Idem pour l'avancement du front d'attaque de plus de 20 cm par jour. Bref, des conditions que beaucoup d'élevages français pourraient envier.

Or, les techniciens allemands ont trouvé de l'ensilage moisi dans 85 % de ces fermes, le plus souvent près des murs mais aussi, dans 20 % des cas, au milieu du tas. « Une bonne conservation du maïs-ensilage se juge à l'auge. Oui, le maïs est une plante facile à ensiler mais la stabilité aérobie, c'est-à-dire après l'ouverture du silo, reste un problème, même avec une bonne maîtrise technique. Les pertes peuvent être énormes : en quantité, en qualité (UF), en baisse de consommation et en performance des animaux. On peut y ajouter les risques sanitaires liés aux mycotoxines », conclut Joseph Pflaum, spécialiste bavarois de l'ensilage.

Fermentation. Pourquoi le maïs chauffe et moisit

Le réchauffement du tas d'ensilage est le résultat de la multiplication des levures. Elles ne se développent pas en l'absence d'air, mais survivent en conditions anaérobies. Les moisissures sont encore plus aérobies. Elles ne se développent pas non plus si le silo est hermétiquement couvert. Mais leurs spores peuvent survivre sans air et résister aux acides produits par la fermentation du fourrage. Une quantité minime d'air suffit ensuite à enclencher leur croissance.

Une parfaite couverture du silo ne suffit donc pas à se prémunir contre le développement des levures et des moisissures après l'ouverture du silo. Plus pernicieux encore, ce sont les meilleurs ensilages qui sont les plus fragiles, comme nous l'explique Joseph Pflaum : « Un bon ensilage contient un taux d'acide lactique élevé, mais aussi plus de sucres résiduels, moins d'acides acétiques et pas d'acides butyriques. Or, les sucres sont les aliments de prédilection des levures et des moisissures, tandis que les acides acétiques et butyriques ont un effet toxique. Les bons ensilages sont donc plus sensibles à l'échauffement et aux moisissures. »

Dans la pratique, la couverture des silos est rarement parfaite. La multiplication des levures et des spores de moisissures y est alors plus importante. Une fois le silo ouvert, les entrées d'air dans le tas sont inévitables. Elles peuvent être limitées par une parfaite compaction du fourrage et un avancement du front d'attaque suffisant, mais ces deux conditions ne sont pas toujours remplies. La capacité des chantiers ne cesse de croître avec des ensileuses puissantes, associées à des bennes volumineuses. Un rythme qui ne laisse pas le temps pour tasser correctement. C'est d'autant plus vrai avec un maïs sec. Or, combien d'éleveurs se laissent surprendre avec des taux de MS supérieur à 35 % ?

Si l'idéal est d'atteindre une densité de 260 kg de MS/m3, nombre de silos sont à moins de 200 kg/m3. Quant à l'avancement, les Bavarois estiment qu'il devrait être de 40 cm par jour, un objectif impossible avec des silos larges et hauts. Se situer à 25 cm/jour serait déjà acceptable.

Chimique ou biologique. Les conservateurs ne font pas de miracle

Il y a les conservateurs chimiques, dont l'acide propionique. Ils ont une efficacité convenable, à condition que la distribution soit homogène et la dose respectée (3 l/t soit 150 l/ha). Mais ils coûtent cher et l'éleveur aura tendance à sous-doser. Les biologiques sont plus abordables (entre 2,50 et 3 €/t tout de même).

Ce sont des bactéries lactiques buchneri qui produisent notamment de l'acide lactique, mais aussi une quantité élevée d'acide acétique et du propandiol, substances toxiques pour les levures et les moisissures. Les buchneri sont anaérobies. Par conséquent, leur efficacité nécessite une couverture parfaite du silo. Outre l'herméticité, Joseph Pflaum précise que les buchneri demandent aussi un délai de deux mois avant l'ouverture du silo. En France, le délai minimum conseillé par les vendeurs est de quatre semaines. « Conservateur ou pas, il faut tout faire pour bien tasser, de façon à limiter les entrées d'air par le front d'attaque. Si le silo est ouvert trop tôt, il faut alors créer une barrière en silosacs qui empêchera l'air de passer sous la bâche. En résumé, les buchneri sont un conservateur efficace chez les éleveurs qui maîtrisent les techniques de couverture de leur silo, mais dont l'avancement du front est insuffisant », conclut Joseph Pflaum.

Butyriques. Les bactéries buchneri peuvent aussi les maîtriser

Un essai récent de l'université de Turin confirme le rôle des buchneri dans la maîtrise des levures et des moisissures. Le conservateur biologique a permis de maintenir un pH à 4 une semaine après l'exposition à l'air de l'ensilage. À l'inverse, l'ensilage sans conservateur chauffait et voyait son pH grimper à 7, sans moisissure pour autant. Cet essai a suivi aussi le développement des butyriques. Le fourrage vert était peu contaminé, mais après ouverture, le témoin non traité a connu un développement important de spores (jusqu'à 1 million/g), rien dans l'échantillon avec le conservateur. « C'est assez logique car les butyriques ne se multiplient pas à un pH bas, voisin de 4, et avec buchneri, le pH n'a pas augmenté. Cela peut-il se transposer à la ferme ? Possible. Prenons le cas d'un silo bien couvert, mais avec un avancement lent. Sans conservateur, l'ensilage peut se réchauffer jusqu'à une profondeur de 1 à 2 m derrière le front dans la zone supérieure du tas, souvent moins bien tassée, avec, pour conséquence, une augmentation du pH laissant la possibilité aux butyriques de se développer.

Quoi qu'il en soit, l'éleveur doit empêcher la multiplication des butyriques en récoltant un fourrage propre et en s'assurant de l'absence d'air qui permettra une descente rapide du pH », précise Joseph Pflaum.

DOMINIQUE GRÉMY, AVEC LA COLLABORATION

Ce sont les bons ensilages de maïs, riches en sucre, qui sont les plus fragiles vis-à-vis du développement des levures et des moisissures. Les pertes peuvent être importantes en volume, en qualité et en baisse de consommation par les animaux.

© SÉBASTIEN CHAMPION

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